5. Biodiversité,
changements climatiques et diversité culturelle, Alain
Cuerrier, Jardin Botanique de Montréal
Photo : Alain Cuerrier |
La majorité des gens, qu’ils soient chercheurs ou
profanes, envisagent la biodiversité en termes de biologie
et oublient de considérer les Premières Nations et
leurs composantes culturelles. De plus en plus de publications et
d’études reconnaissent l’importance d’inclure
la culture dans l’équation de la diversité.
Mais fusionner le savoir scientifique et le savoir traditionnel
est loin d’être acquis ; en effet la balance penche
inexorablement vers les sciences, et la tradition se trouve réduite
à une simple citation exprimant notre bonne volonté.
Dans la Convention sur la diversité biologique (CDB), on
a instauré l’importance du rôle de la diversité
culturelle (voir art. 8j). Et dans l’annexe, on voit la nécessité
de protéger non seulement des espèces rares, menacées
ou vulnérables, mais aussi les plantes médicinales
et même certaines espèces utilisées dans les
rituels ou ayant simplement une importance sociale locale. Pour
protéger tout taxon, il est primordial d’utiliser toutes
les données disponibles. Combien de biologistes peuvent aujourd’hui
dire sans rougir avoir consulté les locaux, autochtones ou
non ? Combien de réserves, de parcs et de milieux protégés
ont été délimités avec l’aide
des autochtones ou des locaux ? Il demeure surprenant d’entendre
les Premières Nations considérer des organismes comme
le WWF ou l’UICN comme des ennemis potentiels. Mais que diriez-vous
si un organisme déclarait que votre cours arrière
est désormais protégée, et que vous n’avez
plus le droit d’y pratiquer vos activités habituelles
? Bien sûr, on apprend de ses erreurs et les deux organismes
internationaux nommés plus haut ont incorporé la question
autochtone à leur mandat.
Les Premières Nations ont de tout temps vécu dans
le respect de la nature. Si on leur demandait quelle est la population
des castors ou des belugas dans une région déterminée,
les Inuits arriveraient probablement à un nombre plus proche
que les scientifiques avec leurs méthodes avancées.
Les changements climatiques étant l’un des problèmes
les plus menaçants aujourd’hui, les données
que nous utilisons devraient se baser sur toutes les connaissances
possibles pour arriver à une meilleure précision dans
notre travail. Aborder les changements climatiques en intégrant
les connaissances des Inuits peut nous amener à une meilleure
compréhension des multiples impacts de ces changements sur
l’environnement arctique. Cela pourrait centrer notre attention
sur certains problèmes qui ont déjà été
montrés du doigt par les communautés autochtones.
En effet, les Inuits ont bien dit que le réchauffement de
la planète avait fait disparaître un mois de leur calendrier.
Ils ont été témoins de la migration de nouveaux
oiseaux et insectes sur leurs terres, d’animaux jamais vus
auparavant et pour lesquels il n’existe pas de mot en Inuktitut.
Les changements dans la végétation (la composition
et les modèles de répartition arbustes/arbres), dans
le comportement animal, dans la répartition, la démographie
et le mouvement des glaces et de l’eau peuvent être
abordés en premier lieu sous l’aspect ethnoécologique.
Ça n’est pas uniquement une question d’humilité
mais de bon sens. Dans l’avenir, la science et la tradition
pourraient marcher main dans la main. Utilisons nos forces. Après
tout, nous faisons tous partie de la nature, par notre essence biologique
et notre identité culturelle ! Avec le peu de temps qui nous
reste pour agir face aux changements climatiques et à leur
impact sur la biodiversité (et sur la diversité culturelle
!), pour reporter au maximum l’imprévu et conserver
la terre comme espace habitable, travailler de pair avec les habitants
de l’Arctique, qui sont au premier rang des changements actuels,
n’est pas un luxe. Deux têtes valent mieux qu’une.
La biodiversité est aussi la diversité d’opinions.
C’est une richesse… dont il fait bon profiter !
Ce message vous a été envoyé par Un
partenariat canadien pour les plantes (un projet de BGCI-Canada
et du Jardin botanique de Montréal ) à votre
demande pour recevoir des informations de notre part. Si vous
recevez ce message par erreur, veuillez le signaler à
yannvergriete@fastmail.fm. Cliquez ici ne plus recevoir de
courriels de notre part.
Yann Vergriete
Chargé de projet
Institut de recherche en biologie végétale
Jardin botanique de Montréal
4101, rue Sherbrooke Est
Montréal (Québec) H1X 2B2
CANADA
www.bgci.org/canada
|
|